Cabinet d'animateur

1990Gilbert lascault

Le sculpteur Vanarsky anime ce qu'il aime. Le temps très long qui lui est nécessaire pour réaliser chacune de ses œuvres suppose qu'il aime ce qu'il met en mouvement. Et, simultanément, ce mouvement qu'il crée, cette vie lente qu'il invente sont des preuves d'amour. Avec un mélange d'humour et de tendresse, il fait en quelque sorte respirer les carres de Mondrian, le nu de Duchamp, un visage grimaçant de Chagall, un autre de Picasso. II fait respirer la vague que figure Hokusai, les chevaux photographiés par Muybridge. Il rêve aux mouvements voluptueux que suggère le long corps de l'Odalisque d'Ingres. Si de telles œuvres provoquent le sourire, c'est un sourire sans agressivité. En animant les œuvres qu'il aime, Vanarsky ne se moque pas d'elles. Il joue à leur donner de nouvelles chances, à leur ouvrir de nouvelles possibilités. Pour animer une surface, il la découpe en lamelles, en lames qu'un moteur met en mouvement. Les lames, pourrait-on dire, lui permettent d'offrir aux formes le simulacre de l'âme : une vie fallacieuse et troublante.  Grâce à lui, Mondrian devient le Hollandais Volant. Grâce à lui, l'infini se tortille et devient indéfinissable. La touche de Van Gogh tourbillonne, animée par le souvenir du pinceau qui l'a posée sur la toile. Le nu de Duchamp, grâce à lui, descend un escalier perpétuel. II propose des triangles trembleurs, des géométries instables. Son double décimètre ondule ; il se fait serpent sinueux, règle indisciplinée, perturbée et perturbante... Le monde de Vanarsky ne se résigne jamais à l'immobilité.


© Gilbert Lascault 1990. " Cabinet d'animateur ". Plaquette Jack Vanarsky: cabinet d'animateur, sculptures animées, Galerie Le Miroir d'encre, Bruxelles, 1 p.